EDN

Chaque espace cherche à définir une couleur en fonction de ses voisins. La recherche d’une proximité chromatique ne doit pas conduire à créer un aplat d’une seule teinte, il y a donc une pénalisation appliquée à chaque couleur choisie. Ce principe est inspiré du fonctionnement des neurones et des synapses qui les relient. L’activation électrochimique d’une synapse induit un délai de latence avant qu’il soit réactivable, on peut imaginer que cet handicap temporaire permet d’explorer d’autres circuits neuronaux et de ne pas « tourner en rond ».
Nous avons une sorte de voyage aléatoire dans la gamme chromatique avec un parcours qui tente de rester harmonique. Nous sommes aussi sensibles aux harmonies qu’aux contrastes, alors à un continuum de couleurs s’en ajoutent d’autres pour l’intérêt visuel par un effet de superposition de couches.
L’installation permet au spectateur de faire évoluer les modèles par un jeu de boutons électriques. Il peut changer de palettes de couleurs, de tailles et de formes élémentaires.

D’autres images : http://edid.free.fr/EDN/gallerie
Un film de la construction dynamique d’image : http://edid.free.fr/EDN/gallerie/Le_film.mpg
un autre montrant plusieurs modèles de base.
Et en version Internet : http://edid.free.fr/EDN




 




Particules élémentaires

A l’image d’un système solaire, chaque particule est liée aux autres par sa masse et la loi de gravitation. A tout moment le mouvement des particules est lié à son mouvement propre et à la présence des autres.
La seule loi de gravitation ne permet de trouver que très peu d’équilibres équivalant à la stabilité d’un système solaire. L’intérêt étant ici graphique, d’autres règles ont été ajoutées pour ne pas avoir d’expansion (Big Rip en astronomie) ou de contraction (Big Crunch) trop rapides.
C’est une représentation élémentaire d’une interaction omniprésente dans notre environnement. A chaque échelle de taille, à chaque type d’élément individuel correspond un type privilégié de relation créant des systèmes « vivants » et cohérents.
Un film des particules en mouvement

NOS

L’idée est de créer un système où les éléments sont mobiles. Il s’agît de donner une motivation à leur mobilité en créant des interactions et d’observer l’évolution de l’ensemble.
Les particules sont sexuées, ont une préférence sexuelle, une libido plus ou moins marquée. S’arrêter ici aurait conduit à voir apparaître quelques amas de particules, quelques partouzes de peu d’intérêt visuel. Conclusion : that’s Not Only Sex.
Les particules ont donc pris d’autres caractéristiques telles que la curiosité, la jalousie, l’intimité et l’agressivité. Toutes éléments moteurs du mouvement.
Le résultat est que l’on peut observer la vie de ce système en se racontant des histoires sur ce qu’il se passe entre plusieurs particules, ou sur celles qui restent seules.
Chacun des caractères a un niveau définit entre deux extrêmes, là où il y a une infinité de possibilités. Les mots sont toujours trompeurs lorsqu’on pense savoir ce que veut dire « être jaloux », « ne pas être jaloux », avoir tel ou tel caractère sexuel. Les mots définissent de vastes domaines où les interlocuteurs sont censés connaître les limites usuelles. C’est cette infinie diversité de l’entre-deux qui crée la complexité et la richesse des combinaisons et qu’il s’agît d’entretenir par une « pensée tremblée ».
Un film des particules en mouvement

Vibrations


Toujours dans la même idée de relation de voisinage, nous avons ici des mouvements vibratoires d'ondes de teinte, luminosité et saturation.
L'image part d'une distribution aléatoire de couleurs puis est traitée comme trois ondes de particules en vibration. Les particules sont fixes dans l'espace mais leur variation de couleurs provoque des glissements de masse.
L’installation est complétée par deux systèmes :
- L’intégration à l’image de la captation d’une caméra. Ceci permet au spectateur de venir influencer l’image à partir des sources de lumières teintées mises à sa disposition.
- La génération de sons représentant l’image. Déjà à partir de 2 haut-parleurs situés de part et d’autre de l’écran, on peut entendre le glissement des ondes de luminosités par le jeu de la stéréo. Le projet est de pouvoir installer un mur d’enceintes pour avoir une continuité plus fluide entre le visuel et les productions sonores.


Deux films des vibrations : le premier et le second.


Exposition au Polaris
Corbas (69), du 24 février au 17 mars 2007

Mon travail se situe dans un entre-deux de l’image fixe et de l’image mobile, il se place dans le mouvement de construction de l’image, finie à chaque instant présent mais dans un présent qui ne peut s’arrêter. Le mouvement se veut infini, sans finalité et, par conséquent, on ne peut pas considérer d’autre résultat au processus que celui de se représenter lui-même. Les images produites sont des instantanés ou des interruptions du processus, elles sont volatiles et éphémères. Nous passons notre temps à construire l’avenir, à ne pas vouloir quitter le passé, nous en oublions de vivre le présent. Mon travail sur le mouvement de construction est une intégration de soi dans un présent en perpétuelle évolution.

Au « je pense donc je suis » de Descartes, j’aimerais ajouter « tu es donc je suis » pour signifier la nécessité de l’autre. En son absence, nous n’avons aucun repère identitaire, nous errons dans des absolus solitaires. L’altérité crée un référentiel, induit une modification en soi et crée un mouvement que je veux prendre comme l’essence du vivant. Deux astres vont se rapprocher par la force de la gravité, deux êtres vont s’attirer par la force du désir, de la curiosité ou de l’intérêt, deux autres vont se repousser comme des forcenés. Dès que l’autre existe, des forces jouent sur ce que nous sommes et induisent en chacun un changement de direction. Chaque voie nouvelle est l’occasion d’une nouvelle interaction, charge à nous de faire taire nos à priori et nos peurs.

Mon travail cherche donc à mettre en scène des éléments où chacun s’enrichit de son voisin en tâchant de ne pas lui être trop similaire. Chaque élément a son propre mouvement et l’ensemble crée une nouvelle forme.
Ainsi, désirant créer une surface de couleurs, je choisis la forme élémentaire du carré sur une grille et laisse chacun de ces carrés choisir sa couleur en fonction de ses voisins. Cette liberté de choix est un faux-semblant dans la mesure où j’en définis moi-même les limites dans le but d’obtenir une esthétique particulière.

Le principe vital de relation, de communication et d’association est fondamental et universel. L’inspiration initiale m’est venue de notre vaste réseau de neurones. Dans la formation continue de notre cerveau, lorsque la synapse d’un neurone se connecte à un autre neurone, c’est un nouveau chemin qui se crée, une nouvelle possibilité de réagir. De plus, les propriétés électrochimiques d’une synapse empêchent d’utiliser toujours la même voie dans un temps réduit. On a là une structure qui s’oblige à diversifier les chemins du possible.
Je me replace dans un processus identique aux jeux d’association utilisés dans de nombreux domaines : en traitement psychanalytique, dans l’utilisation de psychotropes ou dans le surréalisme (associations d’images et d’idées, jeux de mots, cadavres exquis, écriture automatique…).
Outre l’influence des uns sur les autres, existe ce qui est nommé « mouvement propre » qui est la conséquence de « conditions initiales ». Les anxieux glisseront leurs divinités dans cet espace à jamais vide, c’est aussi la part inconnue dans l’intégrale mathématique, la part d’inconnu de la rencontre avec l’autre et dans son intégration.
Pour ma part, cet aléatoire initial et de tous les instants est une excellente source d’inconnu et de diversité pour l’ensemble de mes productions, à commencer par moi-même.

Enfin, le mouvement de chacun étant influencé par son voisin, on perçoit localement des effets de mode dessinant ainsi des groupes homogènes. Cette union fait apparaître de nouvelles propriétés à l’échelle du groupe qui peuvent renforcer sa cohésion mais aussi le faire interagir d’une nouvelle manière avec d’autres groupes, pour le meilleur ou pour le pire. Ces nouvelles propriétés et interactions viennent accroître la complexité de l’ensemble, qui peut s’appeler univers, société ou matière. En l’absence de complexité croissante, un objet perd de son intérêt et reste « un insolite toujours pareil à lui-même » pour reprendre la phrase de Guy Debord à propos du surréalisme.
Concernant mes surfaces de couleurs, j’ai répondu à la monotonie des harmonies par une superposition d’une ou deux autres couches de carrés de couleurs. La richesse des contrastes est le résultat de l’association des couches. Elles peuvent être considérées comme de nouveaux objets capables d’interagir entre eux.
N’oublions pas que le groupe est aussi un appauvrissement, par étouffement, des particularités individuelles. C’est ainsi qu’Edgar Morin écrit à quelques lignes d’intervalles « Le tout est plus que la somme des parties » et « Le tout est moins que la somme des parties ».

L’abus de pluridisciplinarité est généralement nocif pour l’intelligibilité du discours mais c’est une application, tout autant qu’une source, de ce principe vital de navigation aléatoire. Les nœuds des branches ont le sens que leur donne la direction choisie mais ils ont tous la même racine. Comprendrons-nous l’arbre en découvrant ses feuilles ou en en mangeant les racines ?

Emmanuel DURAND, 2007, Catalogue d'exposition


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